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Gégé est mort

Gégé est mort.

Il m’a fallu un peu de temps pour digérer son départ et les sentiments mêlés de colère de tristesse et d’injustice qui m’ont habité ses derniers temps. Non, Gégé n’était pas célèbre. 

Rien à voir avec Jacques, Jean-philippe, France et les autres. Quoi que…

En fait si. C’était un humain comme eux, vous et moi. La grande différence, c’est que la mort de Gégé n’a enteréssé personne, si ce n’est Une toute petite poignée de proches. Il ne reste pas de traces de lui. 

Un tas de terre avec une croix dessus.

Qui était Gégé?

En fait, personne. Ou plutôt pas grand monde, pas grand chose.

Quand je pense à lui, je revois ses yeux. De grands yeux bleus. Aussi bleu qu’un ciel du midi.

Azur qu’il n’a peut-être jamais regardé de sa vie.

C’était un petit bonhomme, la soixantaine… Peut-être un peu plus. La dernière fois que je l’ai vu, il semblait en avoir quatre-vingt-dix.

Je l’ai rencontré chez Christian,  un client de très longue date. C’était il y a six ans, je crois. Il faisait le factotum. Il donnait le coup de main à Christian qui restaurait sa vielle maison normande.

La particularité de Gégé s’était qu’on ne comprenait rien à ce qu’il disait. Il parlait, certes, mais de façon totalement incompréhensible. Pas fou, pas fada comme on dit chez moi, au sud de la loire. Non, juste incompréhensible. Je pense qu’il n’avait jamais croisé la route d’un orthophoniste.  Il parlait, il souriait et ses grands yeux bleus…

Bref, il vivait la vie simple de gars “simple”. Je ne pense pas lui faire offense en préjugeant que son parcours d’écolier avait du être assez bref. Après, il a vécu la vie d’un garçon de campagne à grand coup de pied au cul et de salaire de misère, jusqu’à ce que Christian le prenne sous son aile.  

Un jour, j’ai posé mes mains sur ces épaules…

Il avait mal au dos. Christian m’a demandé de jeter un coup d’œil “énergétique”.

Et j’ai posé mes mains sur ses épaules…

J’ai alors ressenti l’énergie la plus pure qu’il m’a été donné de percevoir. De l’eau de source, un lac de montagne, du cristal. Je n’en revenais pas et je ne suis pas prêt de l’oublier.

Pas de blocage particulier et un mouvement très souple et tranquille. Juste un petit “truc” dans le dos qui a disparu très vite.   

La maladie est arrivée…

Le temps a passé. J’ai pris pour habitude de régulièrement jeter un oeil sur cette belle énergie.  Étrangement sa qualité a commencé a baisser. Petit à petit, elle a perdu de sa pureté et est devenue “normale, presque “quelconque”.

Et il y a un peux moins de deux ans le diagnostic est tombé : cancer.

La longue route…

Une fois le diagnostic posé, Gégé a suivi le protocole médical “traditionnel”: hosto, chimio, radio… Et hapto pour l’aider autant que possible. Paradoxalement, au début, il sembla le prendre plutôt bien. Il montrait son cathéter avec une certaine fierté. Je pense que c’était la première fois de sa vie que l’on s’occupait de lui. Les infirmières étaient gentilles. Il était “obligé” de prendre des douches régulières et vivait dans un environnement qui, pour lui, devait ressembler à un hôtel cinq étoiles.

La première fois que je suis rentré chez Gégé, j’ai eu un “choc”. J’avais l’habitude de le voir chez Christian. Lors d’une de mes dernières visites, cet hiver, il était tellement mal que je me suis rendu chez lui. 

Une grande pièce, sale. La télé qui braille. Le sol en béton brut. La grande cheminée. Le lit sale et Gégé au plus mal.  Le frère, copropriétaire, qui ne parle que de lui et des difficultés de sa vie.  Germinal au vingt et unième siècle.

J’avais déjà croisé pire, mais c’était il y a trente ans…

Gégé a fait de nombreux aller-retour entre “chez lui” et l’hôpital. Il y a eu des phases de mieux. Les premiers mois de cette année on été ceux de la longue et douloureuse descente. Sa famille a fait ce qu’elle a pu et, je crois, de son mieux compte tenu du fait qu’elle n’avait pas les moyens de grand chose. Lors de sa dernière hospitalisation, il a  demandé à rentrer chez lui.

La dernière visite

Je vis à une centaine de kilomètres de chez Gégé. Je me rends dans ce secteur tous les deux mois. Le reste du temps, si besoin, je fais des séances à distances.

  Les dernières avaient pour but d’essayer de faire en sorte qu’il souffre le moins possible et qu’il puisse s’en aller en paix. J’ai vraiment cru qu’il partirait rapidement. Il faut croire qu’il en avait décidé autrement.

Il y a eu la dernière visite. Je me suis rendu chez lui. J’étais prévenu que son état n’était pas bon.  Son vieux lit avait été remplacé par un “médicalisé”. Dessus, Gégé. Un tas d’os. Une couche trop grande. Des pansements anti-blessure. Un corps qui essaie de bouger pour trouver une position plus confortable. Un regard éteint. Un masque. 

J’ai posé mes mains sur son bras,tout en lui parlant. Ce qui s’est passé après restera entre lui et moi. En le quittant, je savais que je ne le révérais pas.

C’était un samedi. Le dimanche, il était parti.  

Epilogue…

C’est Christian qui a réglé la concession de Gégé, lui évitant la fosse commune.

 Un trou, une pelletée de terre et une croix dessus.

Celons que vous serez puissant ou misérable…

J’aime à penser que, là ou il se trouve, Gégé parcours la campagne avec son chien, ses grands yeux bleus et qu’il est heureux.

J’avais déjà accompagné des personnes en fin de vie. Je me souviens de chacune d’elles et des moment uniques que nous avons partagé. 

Gérard gardera une place un peu a part dans ma mémoire.

Lorsque je remonterai la haut pré de chez lui, j’irai déposer des fleurs bleues sur sa tombe. Bleu azur, comme ses yeux.